Les aventures de Nicolettinotello

Les aventures de Nicolettinotello et de son bourreau Mort-Feu

Mort-Feu entra chez Nicolettinotello les yeux teintés de rouge, la pelisse râpée, maigre comme carogne et son cuir de  la face jaunasse comme vieilles dents de palefroi de réforme.
« Quoi-ce, bel Ancoucou ? » dit le roitelet en se moquant de son bourreau en parler breton, car il n’aimait ni ce patois ni les gens qui le parlaient.
– Je suis malenpoint, Sire.
– Ah ? dit le sire.
– Oui da, mon Aérostat. J’ai un vermisseau long comme quinquennat, vorace comme quaque-quarante qui me bouffe mon manger au ventre. La bête ne me laisse pas un rogaton des migreux, migreuses et migrelots que je dévore. J’ai beau, j’ai beau, j’ai beau me bâfrer de forains et d’étrangers rien ne tient au ventre…
– Allons donc !
– Si fait mon Roiteletinou ! Et Dame Faim gueule tant de matines à complies que ce tantôt encore je bouffais des cadavres de hérissons et de chats sur la route pour la lui  mettre en veilleuse.
– La raison que tu putoyes la mort tant et plus !
– Que nenni, mon Présipoupoute. Je me lavais la goule dès sustentation achevée, et ma poisseuse pelisse changeait par icelle proprette.
– Alors, dis-moi d’où vient ce fumet de morgue des Enfers ?
– La cause, ici, en est ton cervelet que tu sens par ton nez. La chose est rare encore que maintes fois attestée dans la Vies-des-Rois-Saints .
Étonné de ce nouveau don du ciel qui le gâtait fort, Nicolettinotello éternua dans sa paume pour humer ses boyaux de tête.
« Diabolo ! Je suis en avance sur ma putréfaction ! Tellement que je dirais être trépassé depuis maintes lunaisons !
– Tu dis bien ! fit Mort-Feu. »
Et, comme Dame Faim criait encore famine, il croqua prestement une pièce de la joue et une de la fesse du défuncté vivant.
« Comme tu y vas ! cria Nicolettinotello.
– Mais Seigneur, tu es perpétuel autant qu’en expansion. Un peu de moins en plus de ta personne ne te fera pas disparaître !
– C’est vrai, reconnu sa Hautesse.
En vérité il aimait qu’on l’aimait mort ou vif, car il avait lu dans sa Vies-de-Rois-Saints que lorsqu’on mangeait de la royauté c’était bon signe.
« Alors, que t’en dis-tu de ma viande ? demanda-t-il à son bourreau.
– La joue est molle et la fesse est grasse, oracula Mort-feu. Il te faudrait rire et courir pour musculer le haut et le bas.

Reconnaissant que le conseil était bon Nicolettinotello dit :« Je suivrais ton avis. Et pour te remercier, je te donne concession à perpétuité dans les cimetières du royaume pour étancher ta grande faim et celle de ton vermisseau. Creuse, prends de la peine : c’est le fonds qui manque le moins.»

Et dès ce jour, on vit courir à qui mieux-mieux Nicolettinotello à la manière d’un dindon palmé – mais rire de cœur bon il ne savait point le faire – Et il se claquait tant les joues et les fesses en même temps qu’il gambadait que certains le disaient fou et les autres le pensaient. Car il était de mauvais Français qui n’avoient point lu la Vies-de-Rois-Saints.

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