Elle se regarde dans le miroir.
Elle récite :
Visage fané
Sous le tas de bigoudis
Cortège des ans.
Elle enfile son peignoir
Elle se dirige vers la cuisine.
Elle jette un œil sur le cadran du coucou
Il est posé sur le réfrigérateur,
Arrêté,
Suisse.
Elle dit :
Pendule glacée
Le coucou a fui l’hiver
Ô heure ! Où es-tu?
Elle débarrasse la table.
Elle jette à la poubelle les restes de la veille.
Elle déclame :
Torojiru froid !
Nouilles et tôfu !
Elle s’assoit sur un tabouret bancal.
Elle vide son verre de chuchenn.
Elle fume une cigarette.
Elle fredonne:
Chante, ô allumette !
au pied du blanc Fuji-San
Feu de paille, cendres.
Il lui reste six mois –à peine- pour envoyer à l’éditeur son haibun gastronomique les 53 routiers du Finistère. Elle l’a composé en s’inspirant de l’An gwenodenn strizh deuz Pen-ar-Bed du maître Bashô qu’elle a traduit en breton. A peine six mois pour exprimer en un dernier haïku, la fragile survivance de la restauration ouvrière. Le tout avec légèreté, sabi et kokkai. Le kokkai, elle ne le sent pas du tout.